Alors que les européens polémiquent autour du programme SCAF, la Russie qui dispose déjà d'un avantage stratégique grâce à ses armements hypersoniques cherche à creuser l'écart avec son programme de drone de combat furtif.
Nouveaux prototypes
Le ministère de la défense russe aurait commandé 3 nouveaux prototypes de l'UCAV S-70 Okhotnik qui servira de drone ailier au chasseur de cinquième génération, le SU-57, mais pourra également être opéré depuis le sol. C'est l'usine NAPO de Novossibirsk, connue pour la production des bombardiers de première ligne Su-24 et Su-34, qui serait en charge de leur réalisation. Les essais pourraient démarrer à partir de 2022 pour se prolonger en 2023.
Spécificités
Le second prototype intégrerait des modifications au niveau de son design pour le rendre encore plus furtif (moteur enterré et sortie de tuyère en dents de scie comme les bombardiers furtifs B-2 Spirit américain et H-20 chinois), de ses commandes de vol, ainsi que de ses capteurs associés à son AI (reconnaissance, désignation, communication) pour lui permettre d'évoluer, d'échapper aux tirs de missiles, et de frapper ses cibles en toute autonomie. Ces évolutions interviennent suite aux enseignements tirés des essais du premier prototype qui avaient débuté à l'été 2019. Après validation de ces modifications, le troisième et le quatrième prototype auraient eux une configuration analogue aux exemplaires de série et seraient destinés à tester les systèmes d'armes et les dispositifs de combat collaboratif homme/machine (MUM/T). Pour autant, le premier prototype poursuivrait ses essais. En décembre dernier, l'agence RIA Novosti citant une source militaire avait évoqué des tests de bombardement sur le polygone d'essais d'Ashuluk à proximité de la Mer Caspienne, au moyen d'une bombe FAB-500 M-62 de 500 kg. Des bombardements sur des cibles dont les coordonnées seraient connues à l'avance. Le site d'Ashuluk déploie depuis août 2020 plusieurs systèmes anti-drones destinés à simuler des espaces aériens fortement contestés (S-400, Pantsir S1, brouillage offensif ...).
Accélération
L'été dernier le consortium OAK a vu son calendrier de livraison avancé de 12 mois par le Kremlin, pour accélérer la production de l'appareil et son déploiement à partir de 2024. Ce drone de 20 t conçu par Sukhoi à partir de 2011, et dont l'envergure est équivalente à celle d'un Mig-29, a été spécifié pour emporter 6t d'armements dans deux soutes séparées à plus de 4000 km. Ces armements seraient communs à ceux du Su-57 dont la fameuse version miniaturisée du missile hypersonique KH-47M2 Khinjal. Conformément au discours du ministre de la défense, S. Shoigu, le 29 janvier dernier, l'Okhotnik participera à la modernisation accélérée de la flotte aérienne russe pour lui permettre de pénétrer les défenses aériennes de l'OTAN. Les S-70 pourraient donc intégrer 2 à 3 escadrons de Su-57 afin d'étendre leur portée de détection radar. Mais le rôle du S-70 pourraient également évoluer vers celui d'un intercepteur afin de neutraliser non seulement les avions de combat adverses mais également les plateformes de reconnaissance, les avions de commandement, ou les ravitailleurs, justifiant ainsi l'intégration des missiles de courte et de moyenne portée (R73/74, R77). En effet, depuis le début du programme, le groupe d'électronique KRET cherche à capitaliser sur l'UCAV les solutions avioniques développées sur le Su-35, les solutions de guerre électronique utilisant la technologie DRFM, et une partie du système radar développé pour le Su-57. Lors du salon MAKS 2015, KRET avait présenté une maquette d' UCAV intégrant un radar doté d'une antenne de pointe avant en bande X, ainsi que plusieurs autres en bande L disséminées sur l'ensemble de l'appareil, et destinées à détecter les plateformes furtives et les avions AEW. Des antennes toutes dotées de modules actifs. A cela s'ajouterait l'IRST 101 KS-V du Su-57, développé par la société d'optronique UOMZ, pour permettre au drone de s'approcher et de désigner sa cible en discrétion avec un capteur passif. Les progrès des techniques de furtivité et des IRST sont en train de préparer le grand retour des combats rapprochés (Dog-Fight). Or comme l'ont démontré plusieurs simulations du laboratoire AFRL, l'emploi de l'IA par les UCAV permet d'automatiser l'analyse des vulnérabilités adverses, l'enchainement des manoeuvres et des tactiques de combat selon un rythme qu'aucun pilote ne peut soutenir lors d'un affrontement. En somme, l' Okhotnik pourrait venir décupler les capacités de frappe des forces aériennes russes, en plus des 76 Su-57 attendus en 2027, et surtout initier une posture beaucoup plus offensive.